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Si vous venez de la page précédente vous ne serez pas surpris que celle-ci commence par :
Jean Clouet ~1480-1540
La dynastie des Clouet est sujette à controverse. Il y aurait un Jean Clouet, l'ancien, bruxellois, peintre, père d'un
Michel, peintre qui aurait deux fils également peintres, le Jean Clouet dont nous parlons et un autre, Paul, qui fit carrière auprès de
Marguerite de Navarre puis de sa fille Jeanne d'Albret mère d'Henri IV.
Quoi qu'il en soit, Jean Clouet puis son fils François Clouet, réunis sous le même nom de Janet, occupent, à eux deux l'avant-scène de la
peinture françoise du seizième siècle, avec un statut de quasi portraitiste officiel de François 1er.
A cette époque, le portrait "à la française" est peu ou prou codifié : taille modérée, sujet en buste, de trois-quart.
Si Fouquet réalisait des esquisses en "gros plan" Clouet cadre déjà ses dessins préparatoires comme s'il s'agissait de la peinture à venir,
même s'il n'ébauche qu'à peine les vêtements. Puisqu'il n'est, ici, que question de pastel, observons-les :
Jean Clouet
Homme inconnu
1530, Musée Condé à Chantilly
Inconnu, peut-être mais quelle présence ! Fascinant.
Regardez le détail du col.
Jean Clouet
Léonore de Sapata
1531, Chantilly, Musée Condé, Photo : RMN/T. Ollivier
Mucho belle dama ¿verdad?
Jean Clouet
Jean de Dinteville seigneur de Polisy
Musée-Condé à Chantilly
Terminons par une petite série de vignettes que vous pouvez agrandir d'un simple clic.
Si dans ses dessins Clouet fait étalage de son talent, ses peintures en revanche souffrent souvent de leur pauvreté de composition, de
l'absence d'expression des personnages, d'une tristesse générale et de la fadeur des couleurs.
Jean Clouet meurt en 1540-41, François lui succède en poursuivant son oeuvre.
François Clouet ~1515-1572
Moins brillant dans le dessin, il surpasse son père dans la peinture. Protégé par Catherine de Médicis sa production
est considérable. Il meurt en 1572.
François Clouet
François 1er de Lorraine
2è duc de Guise
Ami d'enfance de Henri II il fut le chef de ses armées et celui du parti catholique en ces périodes de guerre de religions
La multiplicité des portraits de cour que nous devons à Clouet et à son atelier jointe à la brièveté de la vie de certains
de ces derniers Valois incite à un petit récapitulatif historique. Mais d'abord les portraits :
puis le rappel :
-- Louis XI, l'"universelle aragne" est le sixième Valois direct, il est le père avec son épouse Charlotte de Savoie de
-- Charles VIII qui sera le dernier Valois direct. Il est aussi roi de Naples. Sa soeur, Jeanne de France, vilaine et boiteuse a été
mariée à son cousin Louis II d'Orléans, tandis que son autre soeur, Anne de France, dite de Beaujeu, sera régente durant sa minorité.
Son épouse, Anne de Bretagne lui donne trois fils qui ne vivent guère. Il meurt accidentellement d'avoir heurté le linteau d'une porte
basse.
-- Louis XII, le cousin, (Valois-Orléans) divorce de Jeanne la contrefaite et épouse à son tour la reine Anne duchesse de Bretagne.
Fausses couches et vies brèves se poursuivent. En vingt ans, Anne aura mené à mal pas moins de quinze grossesses. Seules deux filles
survivent dont Claude de France. A sa mort Louis XII comme nous l'avons vu épouse Marie d'Angleterre.
-- François 1er (Valois-Angoulème, 1m98) dont le père est cousin de Louis XII lui succède. Il a épousé Claude de France, ils auront
une belle progéniture dont
-- Henri II. Epouse Catherine de Médicis, grande protectrice des arts c'est elle qui commandait ces portraits. Victime d'une malformation
il ne put la féconder que tardivement après avoir découvert la position "a pecorina" (elle était italienne)! Il meurt précocement au
décours d'un tournoi pour donner raison à Nostradamus. Trois de ses fils vont se succéder sur le trône :
-- François II, roi de France et d'Ecosse par son mariage avec Marie Stuart. Il trépasse à l'hôtel Groslot après une année et demi
de règne.
-- Charles IX marié à Elizabeth d'Autriche, roi à dix ans, régence assurée par sa mère, mort tuberculeux à vingt-trois ans.
-- Henri III qui fut, auparavant, roi de Pologne. Epouse Louise de Lorraine, notoirement "bi" il n'eut pas d'enfant. Poignardé au
bas ventre alors qu'il était "sur le pot" par le moine Clément il désigna son cousin comme successeur. Il fut le dernier Valois.
-- Henri IV (Henri III de Navarre) premier Bourbon. Marié 27 ans à la reine Margot (Marguerite de Valois soeur des trois précédents)
sans héritier, ils divorcent en 99, après la mort de Gabrielle d'Estrées et il épouse, à cinquante ans, Marie de Médicis; elle donne
naissance au Dauphin (futur Louis XIII) l'année suivante.
Avant de quitter le siècle, à la suite de Henri IV, il faut bien reconnaître que le pastel qui nous occupe n'y aura fait
qu'une percée timide, même en assimilant la sanguine.
L'accent a été mis sur les Clouet mais il ne faut pas mésestimer les autres portraitistes. Citons la famille Dumonstier : Jean puis Geoffroy
enlumineurs et graveurs, Etienne, Pierre et Cosme qui furent dessinateurs à la Cour ainsi que Pierre fils d'Etienne que l'on retrouvera au
17 ème avec Daniel Dumonstier. Aussi Jean Decourt, françois Quesnel, Corneille de la Haye (dit de Lyon),
Benjamin Foulon (neveu de François Clouet), Pierre Gourdelle qui dirigeait un atelier de gravures, Marc Duval
dont la fille Elisabeth était "peintre de creons" c'est à dire pastellière, maître IDC qui serait Jean Decourt pour la National Gallery, tous
furent renommés, reconnus et aidés par un pouvoir qui, s'il se déchira dans des luttes intestines, nous a légué une collection de dessins que
les musées et la BNF s'ingénient à nous cacher.
Benjamin Foulon
Gabrielle d'Estrées
1595, Pierre noire et sanguine, BNF estampes.
Vous êtes probablement très admiratif du cachet de la BNF. Si l'employé (Bouchot ?) qui a commis cette insanité avait travaillé au Louvre
il aurait, à coup sûr, marqué "Musée du Louvre", au goudron, au beau milieu de la Joconde !
Pour en apprendre davantage vous pouvez lire l'ouvrage de Henri Bouchot, Les peintres de crayons des 16è et 17è siècles
, disponible ICI. Vous n'êtes pas tenus d'apprendre les
catalogues par coeur mais l'introduction, des pages 19 à 143 (numérotation du pdf), contient de nombreuses informations intéressantes.
Ce siècle fut le siècle des guerres d'Italie, il serait malséant que nous le quittions sans nous y rendre, d'autant que
le pastel est une invention franco-italienne.
Annibale Carracci 1560-1609
Bolognais puis romain, post-maniériste pré-classique, naturaliste sans être barroque, mort fou.
Annibale Carracci
Tête de jeune homme penchée en avant, vue de face
Attribution selon C. Loisel 2008, prcdmt attribué à Barocci
Pastel sur papier beige 27,7 x 21 cm
Ce terne pastel reflète peu l'importance du Carrache, l'article que nous lui consacrons chez les prédécesseurs des Paysagistes vous permettra de le mieux apprécier. ICI
Federico Barocci 1528-1612
Son nom et sa peinture annonce le baroque pourtant il peint en pleine période "manièriste" : 2e moitié du 16e et début
du 17e. Sa peinture, singulière, évoque le pastel, même quand elle est à l'huile, par le fondu des nuances et des contours. Le pastel dont
il se sert d'abondance pour ses études, voyez :
Federico Barocci
Tête de vieillard
© Musée du Louvre, dist. RMN-Grand Palais - Photo S. Nagy
Un allemand pour finir le siècle :
Hans Holbein 1497-1543
Portraitiste réputé, cornaqué par Erasme, il découvre le pastel tardivement lors d'un voyage en France. Il réalise cet
incontournable auto-portrait l'année de sa mort prématurée (de la peste à Londres, ah ces anglais !).
Hans Holbein le jeune
Auto-portrait
Dessin à la craie de couleur et au crayon sur fond d'or
32 × 26 cm, Galerie des Offices, Florence
Oui, nous sommes d'accord, cette barbe est très vilaine. Ajoutons que la bouche n'est pas dans l'axe du visage, la pupille n'est pas centrée
et l'oeil droit est bâclé.
A propos, Hans Holbein peut se traduire par Jean Jambecreuse, vous pourriez lire ce fabliau de 2013 par Harry Bellet : Les Aventures
extravagantes de Jean Jambecreuse, artiste et bourgeois de Bâle (Actes Sud). Savoureux.