L'atelier du pastelliste se distingue aisément de celui du peintre utilisateur de la peinture à l'huile. Par l'odeur, ou
plutôt son absence ! Comme l'aquarelliste il n'utilise pas d'essences aromatiques. Par le fouillis, ou plutôt son absence ! Pas de pinceaux,
pas de palettes, pas de fioles diverses ni de chiffons qui traînent.*
Il lui faut peu de choses : une feuille de papier, une boite de pastels, du savoir faire (artis en latin) ... du talent ... si possible.
Voyons cela.
Les différents types de pastels
Il y a deux grandes familles, les secs et les gras, comme l'été sur les plages de nos vacances, à la différence qu'ils sont
incompatibles. Le gras s'accommode à l'huile, le sec ne craint pas les coups de soleil, protégé qu'il est derrière sa vitrine.
Pastels secs
Poudres de pigments, très fines, à peine liées donc friables, toujours prêtes à déposer leurs couleurs sur ce qui les accroche.
Il convient de distinguer les tendres et les durs, selon le degré de cohésion et la fragilité. Nous verrons, page suivante, leurs rôles
respectifs.
Préparés à l'origine par l'artiste lui-même, les grandes maisons, Sennelier, L'Artisan Pastellier, Faber et Castel (les carrés, durs), Rembrandt ...
fournissent désormais des pastels parfaits.
Si, à l'huile, nous pouvons créer toutes les teintes avec quelques couleurs de base, le pastel n'autorise que l'estompage léger et la superposition
limitée pour assombrir ou désaturer des pigments dont le ton a été donné à la fabrication. Les pastels se présenteront donc en nuanciers assez
fournis : il y a habituellement 9 nuances pour 1 pigment. Les grandes boites peuvent comporter plus d'une soixantaine de nuances pour une douzaine de teintes.
Pastels gras
Alors que les pastels secs sont composés pour l'essentiel de pigment avec peu de charge et de liant, dans les pastels gras les
pigments sont liés avec de l'huile. Les supports lisses ne les effraient pas mais ils sont souvent utilisés en complément de la peinture à l'huile,
ils peuvent, d'ailleurs, être travaillés au pinceau avec de l'essence de térébenthine.
Une variété particulière est réalisée avec de la cire comme liant, ces pastels à la cire peuvent servir à réserver des emplacements sur une aquarelle.
Contrairement aux pastels à l'huile ils peuvent recevoir des pastels secs dont ils retiennent la poudre.
Bâtonnets
C'est l'aspect adopté par les pastels qu'ils soient secs ou gras, de section ronde ou carrée, souvent carrée pour les durs (toujours
comme à la plage), de longueur variant de 5-6 à 10-12 centimètres. Ne pas confondre avec les craies.
Crayons
Il existe aussi des crayons de pastel sec, mi-tendre mi-dur, employés pour l'esquisse ou pour fignoler des détails.
Fabrication des pastels
Composition
Le pigment, en poudre, est référencé dans le "Colour Index International" selon un code particulier qui devrait figurer sur l'étiquette.
Deux lettres, la première, P ou N, indique s'il s'agit d'un pigment naturel (N) ou synthétique (P); la deuxième désigne la couleur de façon générale :
R pour Rouge
Br pour Brun
O pour Orange
Y pour Jaune (yellow)
G pour Vert (green)
B pour Bleu
V pour Violet
B pour Noir (black)
W pour Blanc (white)
et un numéro, spécifique du pigment. Valable pour les pastels mais aussi pour les aquarelles, les gouaches, les peintures acryliques et à l'huile.
Vous trouverez en annexe un tableau de ces références.
La charge, kaolin, une argile, craie ou plâtre, donc blanche, joue un double rôle, elle participe de l'agglutination du pigment et elle
l'éclaircit un peu, mais c'est par l'adjonction de pigment blanc (zing ou titane) que sont obtenues les nuances de plus en plus claires d'un même pigment.
Le liant, vous l'avez compris, va conditionner le type de pastel. Nécessaire comme agent de texture et de cohésion, ce sera de la gomme
arabique pour le pastel sec, en quantité limitée le pastel est tendre et donc friable, en quantité plus grande le pastel sera dur; ce sera de l'huile végétale peu
siccative et de la cire pour le pastel gras qui finalement ne diffère pas beaucoup d'un bâton de rouge à lèvres !
Fabriquez vos propres pastels
Deux recettes basiques. Les ingrédients se trouvent tous chez le marchand de couleurs.
A l'huile**
100 grammes de pigment
30 à 40 grammes de cire
15 à 25 grammes d'huile non siccative
Comme en cuisine il faut faire un bain-marie pour faire fondre la cire puis incorporer l'huile lentement sans cesser de remuer. Cesser
de chauffer pour ajouter le pigment en tamisant pour éviter les grumeaux. La consistance doit être moelleuse.
Vous pouvez confectionner des moules avec du papier fort, roulé en tube et maintenu par du ruban adhésif; les remplir, à la verticale, et laisser refroidir. Sinon
verser sur un marbre ou une vitre et découper les bâtonnets que vous roulez pour les mettre en forme, puis enveloppez-les dans une bande de papier ...
Allez vous laver les mains !
Sec
100 grammes de pigment
10 grammes de kaolin
2 à 3 grammes de
gomme adragante
gomme arabique
dextrine
glucose (l'un de ces liants mais liquide)
eau (déminéralisée c'est mieux)
1 gramme d'agent conservateur (anti-fermentation), camphre par exemple
Comme en pâtisserie (oui on fait une pâte) faire un puits dans le pigment et incorporer peu à peu et dans l'ordre les ingrédients en évitant
les grumeaux et en les écrasant. La pâte doit être souple et homogène.
Vous pouvez séparer la pâte en trois parties. Une part pour faire les bâtonnets de la teinte du pigment; une part où vous rajoutez une quantité égale de
pigment foncé (pas trop noir et enrichi d'une couleur complémentaire) pour faire des bâtonnets de nuance sombre; une part où vous ajoutez une quantité
égale de blanc de zinc pour les bâtonnets de nuance claire.
Laissez sécher, à coeur, vos bâtons de pastel avant de les utiliser.
Si vous êtes intéressés par l'histoire, celle du pastel et celle des sciences, prenez le temps de lire le Traité
de la Peinture au Pastel de Paul-Romain Chaperon qui date de 1788 (le 18ème siècle est le "grand-siècle" du pastel). Disponible
ICI.
Le matériel du pastelliste
Le support
Le pastel sec demande au support un certain grain, une rugosité, des creux et des bosses où s'accrocher. Le pastel gras n'a pas ces exigences, le verre ou la céramique lui conviennent pour peu qu'ils ne soient pas humides.
Papiers
Le pastel gras demande un papier préparé par un apprêt, acrylique par exemple. Tous les supports prévus pour
la peinture à l'huile conviennent.
Le papier, pour le pastel sec, doit être assez fort, pas moins de 130 g/m² mais 160 sont préférables, s'il se
froisse les pigments déposés se détachent; ph7, non acide. Des spécialités sont disponibles telles que :
Papier ingres, 130 g/m², pour des couches légères. C'est un papier couché, vergé, dont la rugosité vient des fines stries
parallèles laissées par les vergeures (Canson Vidalon) ou croisées (Canson Mi-teintes qui permet davantage de superpositions).
Pastelmat (Clairefontaine) ou Pastelcard (Sennelier), 360 g/m², rigide et rugueux (sable), pour des couches multiples.
Ils sont aussi nommés "pumicifs", surtout en langue anglaise, du latin pumex : pierre ponce.
Velours, 180 à 260 g/m², donne un très beau rendu velouté mais flou. Il est difficile d'y revenir sur une erreur.
Outre le blanc, la couleur du support intervient dans l'oeuvre finale. Les papiers prévus pour le pastel existent dans des teintes
variées dont il faut surtout retenir les gris plus ou moins bleutés et les ocres plus ou moins foncés, à côté des noirs anthracites qui
permettent des effets de lumière saisissants.
Le pastelliste peu aussi choisir de teinter lui-même son papier, une méthode utilise la poudre de pigment qui s'accumule dans les boites
ou la rigole du chevalet : étaler en frottant avec un coton puis une couche de fixatif donne un papier de la couleur voulue.
Sinon
Tous les supports sont possibles, le carton, le bois, la pierre, la toile, pour le pastel sec ils doivent être
préparés pour que les pigments accrochent suffisamment. Un apprêt enrichi de poudre de pierre ponce, que l'on trouve dans les drogueries
peut convenir. La maison Sennelier fournit un gesso acrylique adapté spécifique donnant un support assez semblable à son Pastelcard.
La taille
Le pastel ne se satisfait pas de la miniature, ses bâtons sont faits pour les grands espaces, les oeuvres des
pastellistes peuvent être de grandes oeuvres, si ce n'est pas le geste auguste du semeur, le geste du pastelliste a de l'amplitude,
bref le format raisin est largement utilisé. Raisin c'est-à-dire 50 x 65, parfois 50 x 70. Portrait ou paysage bien sûr.
Sous-verre
Indispensable, le fixatif n'est pas un vernis, la poudre de pigment ne demande qu'à se détacher. Terminé le pastel sec
est encadré sous verre dont il est séparé par un passe-partout épais.
Plus chanceux le gras peut être verni !
Accessoires utiles
Un chevalet rend bien des services, permettant le recul que l'on n'a pas en travaillant sur ses
genoux, maintenant la feuille penchée pour que l'excès de poudre tombe vers le bas, évitant de ce fait un empâtement excessif, résolvant
la question du rangement du travail en cours.
Des estompes dont la plus employée est ... les doigts du pastelliste. Les estompes en papier-buvard
du commerce se nettoient et s'affinent sur une petite planchette porteuse de papier de verre (inutilisable pour les doigts ! euh ... quoique
comme lime à ongles ?).
A priori le pastel ne se gomme pas, toutefois, lors du dessin initial qui se fait très légèrement
il est possible d'utiliser une gomme dite "mie de pain" qui récupère le fusain ou la poudre de pastel sans agresser le papier.
On peut aussi ( et surtout ) souffler dessus.
Une tablette de contreplaqué mince, de taille à peine supérieure au papier, équipée de deux pinces à dessin est de mise.
Pensez à la poncer au papier de verre fin avant la première utilisation.
Il est toujours possible de fabriquer son propre fixatif mais il existe des "bombes" dans le commerce qui ne ruineront
pas le parcimonieux, d'autant que moins il y en a mieux ça vaut !
* Affirmation sujette à caution.
* * Ce n'est pas une erreur s'il n'y a pas d'accent sur le A, c'est un refus d'accentuer les majuscules. Quelques zozos dans
un ministère ne disposent pas de la langue française !