Cet ensemble de quatre pages — Prédécesseurs, Paysage historique, Paysage romantique, Barbizon et Marlotte — a été placé en annexe car le Pastel n'y joue qu'un rôle accessoire.
Le Paysage historique page I
Depuis les origines de l'Académie royale le peu de considération dont il souffrait plaçait le paysage loin derrière la peinture d'Histoire et le Portrait. C'est en 1816 seulement qu'est créé le Prix de Rome de Paysage historique sur l'instigation de Valenciennes et Girodet. Douze prix seront déscernés avant sa suppression en 1861*.
Pierre-Henri Valenciennes 1750-1819
Voyez ci-dessous son tableau de réception à l'Académie. Vous trouverez ses "Eléments de Perspective pratique" dont il est le maître incontesté dans nos annexes. ICI.
Pierre-Henri Valenciennes
Cicéron découvrant le tombeau d'Archimède
1787, Huile sur toile, 119 x 162 cm Musée des Augustins de Toulouse
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Son enseignement, outre la perspective, insistait sur la nécessité de réaliser des études "sur le motif" c'est à dire en extérieur, souvent à la gouache, soignées mais rapides, moins de deux heures, pour avoir une lumière à peu près constante et pouvoir placer les ombres correctement; pensez au rôle éminent de l'ombre dans la perspective. Le tableau final était, lui, peint "à l'atelier" après assemblage des études, apport des détails et des figures car nous parlons de Paysage historique.
Valenciennes eut pour élèves Bertin et Michalon
Achille-Etna Michallon 1796-1822
Talentueux et prometteur doté d'un physique qui n'attirait pas que les dames. Mort trop tôt.
Achille Etna Michallon
Démocrite et les abdéritains
1817, Huile sur toile, 115 x 145 cm Ecole nationale des Beaux-arts
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Cette toile est le premier Grand Prix de Rome de Paysage historique, Michalon l'a peinte en loge lors du concours de sortie, le thème était ainsi rédigé :
"Démocrite s’était retiré près d’Abdère (ville maritime de la Thrace) dans une solitude agreste où il se livrait à des études anatomiques dans l’espoir de découvrir le siège de l’intelligence humaine. Les Abdéritains crurent qu’il était devenu fou et invitèrent Hippocrate à venir rétablir la raison de celui qu’ils croyaient malade. Hippocrate conduit par quelques Abdéritains arrive et surprend son ami livré aux études qu’on vient de citer. L’heure du paysage doit être le matin. Le paysage doit représenter un site agreste sans habitation. La ville d’Abdère est dans le lointain."
Il ne vous échappe pas que ce sujet est tiré de la fable de La Fontaine du même titre. ICI.
Jean-Victor Bertin 1767-1842
Il fut le professeur de Corot et aussi de Daubigny
Jean-Victor Bertin
Etude d'arbre
vers 1800-1805, Gouache sur papier, 50,5 x 39,7 cm Musée d'art du comté de Los Angeles
Même rapides les études étaient de jolis morceaux, on ne s'improvisait pas peintre. A l'époque.
Camille Corot 1796-1875
Une formation initiale chez Charles Suisse puis avec Michalon il découvre Marlotte. Michalon décédé il poursuit avec Bertin et travaille à Barbizon. Nous sommes dans les années vingt et Corot respectera toute sa vie les préceptes de la peinture du paysage d'histoire même si les personnages perdent progressivement de leur importance et si la palette subit quelque peu l'influence des futurs impressionnistes auxquels il apparaît comme un exemple et un devancier.
Jean-Baptiste Camille Corot
Forêt de Fontainebleau
1834, Huile sur toile, 175,6 x 242,6 cm National Gallery of Art, Washington, D. C., online collection
On y revient avant de s'installer à Ville-d'Avray.
Jean-Baptiste Camille Corot
Forêt de Fontainebleau
1846, Huile sur toile, 90,2 x 128,8 cm MFA Boston, Gift of Mrs. Samuel Dennis Warren
Jean-Baptiste Camille Corot
Ville-d'Avray
1867, Huile sur toile, 49,3 x 65,5 cm National Gallery of Art, Washington, D. C.
Nous parlons ici paysage mais vous n'omettrez pas ses portraits, dignes d'un maître, et un des plus grands. Voyez cette "Joconde" :
Jean-Baptiste Camille Corot
La femme à la perle
1869, Huile sur toile, 70 x 55 cm Paris Musée du Louvre
Inutile de vous raconter des histoires, vous avez noté qu'en fait de perle ce sont des feuillages; c'est un portrait de Berthe Goldschmidt, un modèle que l'on retrouve semble-t-il dans les deux Atelier du peintre que nous connaissons.
A ce propos, Corot est un homme altruiste et généreux mais particulièrement discret sur sa vie personnelle; il semble qu'il ait vécu quelques années avec cette Berthe là, après avoir beaucoup voyagé (en Italie) avec Théodore Caruelle d'Aligny, paysagiste lui aussi, et aussi avec Henri Harpignies (encore en Italie, 1860).
Nous évoquons plus bas ces élèves auxquels il convient d'ajouter Edma et Berthe Morisot ainsi que Camille Oudinot qui poursuivit leur formation.
En ce qui concerne notre sujet, Corot, même s'il n'est ni le premier, ni le seul, apparaît clairement comme initiateur des groupes de Barbizon et de Marlotte.
Théodore Caruelle d'Aligny 1798-1871
Au service des Beaux-Arts il effectue nombre de voyages d'études en Italie et en Grèce et termine directeur de l'Ecole lyonnaise. Pour son compte il expose un riche oeuvre de Paysages d'histoire et à côté (désormais on dit "en même temps") il multiplie les séjours à Barbizon chez Gane et à Marlotte (Bouron).
Caruelle d'Aligny
Bacchus enfant élevé par les nymphes dans l'île de Naxos
Par delà la maîtrise de son métier classique vous voyez qu'il tend vers une simplification stylisée qui mériterait d'être mieux reconnue.
Théodore Rousseau 1812-1867
Installé à Barbizon dès 1936 il en est un des pivots. Les petites gens qu'il fréquente ne figurent pas dans ses oeuvres toutes tournées vers la nature. Il a connu tout le monde mais il est mort avant l'aventure impressionniste.
Théodore Rousseau
Les chênes d'Apremont
1850-52, Huile sur toile, 64 x 100 cm Musée du Louvre
Charles-François Daubigny 1817-1878
Paysagiste compétent, graveur talentueux, phalanstérien convaincu, passé par Barbizon, fixé à Auvers-sur-Oise où se trouve "son" musée, batelier à la belle saison, ami de Corot et Courbet, fuyard en 70 il accueille Monet à Londres, une oeuvre répétitive pour un peintre brillant mais déçu parce que souvent "à mi-chemin".
Elève, lui aussi de Bertin, parfois pastelliste, grand voyageur vous trouverez outre des paysages sylvo-bellifontains (un néologisme dont nous guetterons l'apparition dans les manuels spécialisés !) ceux qu'il réalisa en Italie, en Grèce, en Orient (Egypte, Liban, Turquie...), en Suisse, en Allemagne, en Autriche, et partout en France ... ; Une forte production pour un petit peintre que vous verrez dans nos musées et nos galeries où il est encore accessible à l'honnête-homme.
Jules Louis Philippe Coignet
Les peintres sur le motif en forêt de Fontainebleau
Huile sur toile Musée des peintres de Barbizon (Gane)
Pastel sur papier, 20 x 28 cm Sur Proantic par P. Brost
Jules Coignet
Ruines de Balbeck
1846, Huile sur toile, 94 x 160 cm Toulouse, musée des Augustins
Henri Harpignies 1819-1916
Natif du nord, d'une riche famille bourgeoise d'industriels du sucre, musicien talentueux (violoncelle, piano, flûte...) il s'épanouit dans la peinture, le dessin et la gravure. Une longévité exceptionnelle, une activité soutenue qu'il conserve jusqu'à la fin. Marié avec la soeur de Vantillard (les vitraux) Marguerite, il divorce après 25 années de vie commune à Paris puis dans l'Yonne, à Saint-Privé, où il trouve les paysages qu'il cherchait. Reconnu, médaillé, honoré, il est un monument tout autant que son ami Corot qui le conduira à Bardizon.
1900, Huile sur toile, Californie, Stockton, Haggin Museum
Narcisse Díaz de la Peña 1807-1867
Narcisse Virgilio Díaz de son vrai nom perd son père à 10 ans puis perd une jambe d'une morsure de vipère (oui oui "perd-père" et "vie-père" monsieur Lacan). Une maison à Barbizon, lié à Millet et Rousseau, admirateur de Delacroix, ami de Courbet et des Impressionnistes, admiré par Van Gogh.
Narcisse Díaz de la Peña
Forêt de Fontainebleau
1868, Huile sur toile, 84 x 111 cm Dallas Museum of Art, Munger Fund
Après Michalon en 1817 il y eut douze Prix de Rome de Paysage historique, vous les trouverez en Page II
Pour compléter ce rapide tour d'horizon et toujours à propos de paysage ne manquez pas d'aller VOIR la page que nous avons consacrée, en annexe (ce sont des huiles), à Edma Morisot-Pontillon et Oudinot.