A force de s'allonger ces pages consacrées aux pastels du XVIIIè vont finir par faire triste figure, or la réserve semble inépuisable tant le portrait au pastel en se démocratisant a envahit les appartements bourgeois, offrant aux peintres des débouchés que la miniature occupera, partiellement, au siècle suivant. Entamons donc une dernière page que nous dévouons à ceux qui pour certains ne manquaient pas de talent mais que la renommée n'a pas daigné honorer.
François-Louis Gounod 1758-1823
Elève de Lépicié, 2è prix de Rome qui passa néanmoins par la Villa-Medicis, père de Charles Gounod. Sa femme, musicienne, achevait les détails de ses portrait !
François-Louis Gounod
Portrait du Fermier général de Wailly
1786, Pastel sur papier marouflé sur toile, 45,8 x 37,5 cm Le Louvre, RMN
Claude Dupouch 1686-1747
Petit peintre Dupouch, mais oh combien important fut-il : c'est lui qui forma au pastel Quentin De La Tour (de 1719 à 1722) et accessoirement les Devernezobre.
Claude Dupouch
Le Christ et le centurion romain
1786, Huile sur cuivre, 28,5 x 22 cm Collection particulière
Oui, c'est une huile. Pas moyen de mettre la main sur un pastel de celui qui en enseigna la pratique au Prince des pastellistes. Comme si il y avait eu une révolution entre-temps !
Guillaume Voiriot 1713-1799
Précédemment à l'Académie de Saint-Luc il entre en 59 à l'Académie Royale avec un portrait de Nattier (à l'huile). Connu et réputé pour sa capacité à capter les physionomies et faire ressemblant.
Guillaume Voiriot
Portrait de Jean-Jacques Rousseau
Pastel sur papier, 44,5 x 37 cm Musée Jean-Jacques Rousseau, Montmorency
D'après Quentin de La Tour ?
François-Bernardin Frey 1716-1806
Peintre alsacien qui va, à Paris, prendre la suite de Delatour comme portraitiste des Dames de France.
François-Bernardin Frey
Portrait de la Princesse Sophie
Pastel sur papier marouflé sur toile, 28,5 x 22 cm CPDHS / photo Thierry Ollivier
Madame Sophie, 8è enfant légitime de Louis XV, réputée peureuse, timide et laide, morte en 1882 à 48 ans ce qui lui aura épargné le spectacle désolant de la suite. Par curiosité comparez, si vous voulez, ce portrait avec celui de sa mère par Lundberg, page george Sand des Annexes. A la même page vous trouverez la 2è Sophie de France, 4è enfant de Louis XVI qui ne vécut qu'un an mais dont le sommeil, saisi par Vigée-Lebrun, constitue le plus saisissant portrait de nourisson qui soit.
Joseph Boze 1745-1826
Marseillais (Martigues) qui vient à Paris étudier avec Delatour, portraitiste honnête et miniaturiste (vivement apprécié si ce n'est pour le goût du moins pour la ressemblance) qui fut employé à la cour de Louis XVI, témoigna en faveur de Marie-Antoinette à son procès, sauvé par la misérable fin de Robespierre après avoir portraituré nos radicaux révolutionnaires. C'est un petit peintre qui porte beau, voit juste et vaut par ses modèles :
Françoise Boze née Clétiez (1751-1835), son épouse et la mère de ses enfants, est réputée pour avoir été la maîtresse de Louis XVI et son agent secret.
Joseph Boze
Portrait de la comtesse de Provence
Pastel, 62 x 52 cm rmn Grand-Palais (M. du Louvre)
Marie Joséphine Louise de Savoie,comtesse de Provence (1753-1810), elle est l'épouse du futur Louis XVIII, un mariage infructueux, morte obèse et hydropique (alcool).
Joseph Boze
Les ducs d'Angoulème et de Berry
1785 et 1787, Pastels sur parchemin, ~ 54 x 44 cm rmn Grand-Palais (M. du Louvre)
Fils du comte d'Artois frère de Louis XVI et futur Charles X.
Joseph Boze
Portrait de Marat
1786, Huile sur toile, 28,5 x 22 cm Collection particulière
Fils de prêtre défroqué, convaincu d'être laid : c'est sa mère qui le lui a dit, point n'est besoin de le forcer pour être méchant. Médecin autodidacte, savant fou repoussé par l'académie, usurpateur de noblesse, la révolution est pour lui un inespéré terrain de jeu. Il déverse sa haine dans son journal L'ami du peuple comme d'autres leurs miasmes dans un mouchoir, promettant à la guillotine tout ceux qui passent à proximité. Il reste l'indigne responsable des appels au meurtre qui suivent le 10 août (prise des Tuileries) et peut s'enorgueillir des massacres de septembre.
Marat qui se prétendait l'ami du peuple voulait établir le "despotisme de la liberté par la violence". Il l'a eu. Nos actuelles féministes qui promeuvent l'importance des femmes dans l'histoire font silence sur Charlotte Corday (arrière-arrière-arrière-petite-fille de Corneille) qui a su débarrasser le peuple de ce fou furieux.
Honoré Gabriel Riquetti comte de Mirabeau (1749-1791), noble mais député du Tiers-Etat, orateur de la révolution ("nous sommes ici par la volonté du peuple et n'en sortirons que par la force des baïonnettes"), mort intempestive qui le conduit premier occupant du Panthéon puis premier dépanthéonisé (comme Marat). Bon vivant il a bien fait d'en profiter.
Joseph Boze
Portrait de Mme Campan
1786, Pastel, 81,2 x 64,4 cm Collection particulière
Mme Campan (1752-1822), lectrice des filles de Louis XV, femme de chambre de Marie-Antoinette. Après Varennes (91) elle ouvrit une pension pour la formation des filles, à St-Germain, puis se vit attribuer par Bonaparte dont le père lui avait confié l'éducation des soeurs de l'Empereur la responsabilité de la Maison de la Légion d'Honneur à Ecouen. Sa nièce épousa le maréchal Ney, ses pensionnaires se marieront pendant l'empire et elle sera ruiné par Louis XVIII.
Joseph Boze
Portrait de Vaucanson
Avant 1792, domaine public
Nous avons hésité, ce portrait est alternativement présenté comme une huile (à l'Institut des Sciences) ou un pastel mais nous voulions souligner cet aspect de Boze : il bricole ! Mise au point de la énnième méthode de fixation du pastel, construction, avec Vaucanson, de freins pour voiture, un système aussi pour dételer des chevaux emballés, un autre permettant de mesurer sur un cadran la vitesse d'un navire (son père était capitaine et il connaissait bien Vernet).
Vaucanson, lui, avait débuté par un automate : le canard de Vaucanson qui digérait ce qu'il mangeait comme un quelconque amateur de pastel !
Joseph Boze
Portrait de Louis XVI
1784, Pastel, 75 x 61 cm, domaine public
Boze a multiplié les portraits de Louis XVI, à l'huile, au pastel, en miniature. Ils ont été gravés d'innombrables fois, pour les aristocrates nostalgiques ou pour les ricaneurs haineux qui tentent, par le rire, de justifier leurs iniquités. Le roi et Boze devaient être complices : grands lecteurs, volontiers manuels, motivés par la navigation, par la démarche scientifique, d'ailleurs Louis avait logé Joseph à Versailles, ajoutons que Boze servait probablement d'intermédiaire avec les réformés du midi voire les maçons comme Mirabeau.
Claude Hoin 1750-1817
Dijonnais, petit peintre formé localement puis repris par Greuze à Paris, il faisait d'excellentes copies, maçon qui traverse la révolution sans encombre et sera peintre du futur Louis XVIII. Portraitiste pastelliste, quelques paysages et miniatures, vous le retrouvez à la page scabreuse avec Mlle Duthé.
Claude Hoin
Autoportrait
1775, Pastel sur papier bleu, 48 x 40 Collection particulière
Pierre noire et rehauts de blancs, 24,5 x 29,5 Chez Beaussant Lefèvre
Charles-Paul-Jérome Bréa 1740-1820
Les Bréa sont une famile, il n'est pas toujours facile de savoir qui est qui : Paul (Paolo) est arrivé d'Italie à la fin du 17è, peintre il se fixe à Chartres, l'un de ses fils Pierre y exerce aussi, mais il y a des oncles et des cousins ... Le nôtre "monte" à Paris au début des années 60, il prétend être l'inventeur d'une méthode pour fixer le pastel (après Loriot et d'autres). En Italie on encolle le papier par derrière. Il entre à St-Luc en 1771 et produit beaucoup.
Charles-Paul-Jérome Bréa
Pierre Laromiguière (1756-1837), philosophe
1813, Pastel sur papier, 60 x 50 cm Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon, RMN Gérard Blot
Jean-Martial Frédou 1710-1795
Jean-Martial Frédou de la Bretonnière, peintre à tout faire, copiste au Cabinet des tableaux du Roi.
Frédou
Portrait de Louis de France
~1760, Pierre-noire, craie et pastel, 41,5 x 31,5 cm Palais de Versailles
Le Dauphin (1726-1765) et sa dauphine Marie-Josèphe de Saxe (1731-1767) meurent précocement de la tuberculose après avoir vu souffrir et mourir à 9 ans leur fils aîné Louis, voyez l'évolution des traits du malheureux :
Frédou
Le Duc de Bourgogne en 1860 et 1861
Pierre-noire, craie et pastel, ~2 fois 40 x 30 cm Palais de Versailles
Léon-Pascal Glain 1715-1775
Biographie incertaine pour une production importante. Son épouse née Marie-Elisabeth Tanche est également peintre probablement élève de Louis Vigée et auteur d'un portait (introuvable) de sa fille, encore enfant, Elisabeth Vigée qui deviendra Vigée-Lebrun.
Léon-Pascal Glain
Portrait d'une dame en robe bleue avec manchon
1755, Pastel sur papier,70 x 60,3 cm Musée de Varsovie, Źródło/Fotograf cyfrowe.mnw.art.pl
Les Drouais
Depuis quand les Drouais sont-ils peintres, difficile à dire, nous démarrons avec Jean, probablement installé à Pont-Audemer puisque son fils Hubert y naît à la charnière du XVIIè et du XVIIIè. Il est peintre mais il n'y a plus trace de son activité, quoiqu'il en soit le Drouais est la région de Dreux et ils ont du bien : 7 maisons à Rouen 1 à Lisieux, Hubert qui migre à Paris y continuera les acquisitions.
Hubert Drouais 1699-1767
Elève de François de Troy, travaille pour Van Loo, Nattier et Oudry, belle carrière de portraitiste à la cour. Académicien en 1830, surtout huiliste, ce pastel cependant :
Hubert Drouais
Portrait d'Etienne Letexier de Mennetou
Pastel sur papier marouflé sur toile, 52 x 42,5 cm Collection particulière, sur Artcurial
Son épouse Marie-Marguerite Lusurier est également peintre (ou dite telle car il n'y a pas trace de sa production); ils ont deux enfants : François-Hubert et Marie-Estiennette (1736-1811) qui épousa en 56 Maître Lutton avocat au Parlement. La nièce de Marguerite vit avec eux, il s'agit de Catherine Lusurier dont nous parlons plus bas.
François_Hubert Drouais 1727-1775
A la suite de son père, de Van Loo, de Boucher et de Natoire il est le portraitiste de la cour du fin de règne de Louis XV avec un savoir faire facile et éblouissant; tout pour plaire : superficiel et creux.
François-Hubert Drouais
Portrait d'Homme
Pastel sur papier collé sur carton, 56,4 x 46 cm Collection particulière, Photo Galerie Alexis Bordes
Chez les Drouais le mariage semble déborder sur les soeurs de la mariée, François épouse Anne-Françoise Doré (1732-1815, son portrait à l'huile est au Louvre) et la soeur de cette dernière, Marie-Jeanne (1736-1769) reste célibataire et vient vivre, et peindre, avec eux; outre leur fils Jean-Germain ils ont aussi une fille, Marie-Anne qui entamera le même parcours mais va mourir jeune : 1762-1776
Jean-Germain Drouais 1863-1888
Elève et protégé de David, prix de Rome en 84, mort de la variole (comme Louis XV). Sa mort fut considérée comme un drame par l'Académie Royale qui attendait beaucoup de lui, sa formation en faisait un peintre d'Histoire, pas de pastel donc, nous avons ceci :
Jean-Germain Drouais Tommaso Piroli
Caius Gracchus sortant de sa maison pour apaiser la sédition fomentée par des Sénateurs, dans laquelle il périt.
1787, Eau-forte ; 170 x 230 mm Le dessin de Drouais est à Lille, l'estampe à Montpellier, Gallica BNF
Piroli (1750-1824) est le graveur. Jean-Germain est mort à Rome (palais Mancini à l'époque) où David l'avait accompagné.
Catherine Lusurier 1752-1781
Elle a quinze ans à la mort de son oncle Hubert Drouais, son cousin françois-Hubert a vingt-cinq ans de plus qu'elle qui est plus agée de onze ans que son petit cousin Jean-Germain. Enfant précoce elle se forme auprès d'eux, travaille avec eux, et produit des oeuvres d'une telle qualité que l'on ne peux que regretter la brièveté de son existence.
Catherine Lusurier
Portrait d'un jeune garçon
Pierre-noire et sanguine sur papier brun, 41,9 x 27,3 cm National Gallery of Arts, gift of Lewis Einstein
Voyez au dessus le portrait de Jean-Germain à quinze ans (c'est un pastel).
Alexandre Kucharski 1741-1819
Si le 18è se termine avec la Révolution, Kucharski, qui va profiter des vingt premières années du 19è, va vivre intimement les soubresauts d'icelle avec la famille royale. Polonais prometteur il est expédié à Paris pour étudier à l'Acadamie Royale (il y côtoie David) mais choisit de faire fi des grands machins de la peinture d'Histoire pour se lancer dans le portrait où il perce très vite dans l'aristocratie. Tellement qu'au départ prudent de Vigée Lebrun il lui succède en tant que peintre de Marie-Antoinette. Dès lors les portraits, souvent au pastel, de la Reine, du Roi et du petit Louis-Charles (XVII) vont se multiplier. Il est dans la prison du Temple jusqu'à la fin.
Alexandre Kucharski
Louis XVII
Pastel - Collection particulière
Soyons honnête, nous ne pouvons pas vérifier si cette image dite "pastel de Kucharski" n'est pas simplement une des copies tardives, au pastel, du tableau de Kucharski, à l'huile, que l'on trouve à Versailles. (Quand il signait ses tableaux c'était souvent "Couaski" et à St-Luc il est connu comme "Cokasquy")
L'enfant est mort d'une péritonite tuberculeuse après six mois de détention solitaire dans un réduit sombre et malsain; il avait dix ans.
Alexandre Kucharski
Marie-Antoinette emprisonnée
1991-92, Pastel sur parchemin, 80,3 x 64,2 cm Château de Versailles
Ce portrait non terminé fut lagement recopié, Kucharski mourut à Paris protégé par Louis XVIII. C'est vraiment la fin du pastel au 18è.