Il y a cinquante mille ans, hier, dans notre belle contrée, apparaît l'homme nouveau. Vous, moi, nous, Homo Sapiens sapiens, bref Cro-Magnon. Surdouée la bête, et méchante, il lui suffit de quelques millénaires pour éliminer son prédécesseur, Néanderthal qui était pourtant là depuis trois cent mille ans, avait survécu à trois glaciations, côtoyait le tigre à dents de sabre (ci-contre) et l'ours des cavernes* comme nous les loulous de Poméranie.
Il est de bon ton chez les anthropologues de s'interroger sur la disparition de Néanderthal. Changement climatique ? (Tiens, ça me dit quelque chose ! ) Maladie nouvelle ( peut-être le chicoungounia ? ) Dégradation génétique ... Voyons ! Nous les avons massacrés et probablement mangés... Nos histoires de géants, d'ogres, viennent de là. C'est celui qui le dit qui y est.
Surarmé, Sapiens, rusé, rapide, violent. Quand nous débarquerons sur alpha du Centaure les extra-terrestres auront intérêt à raser les murs.
Vous vous dites que c'est trop négatif, qu'il ne faut pas oublier les trésors de dévouement dont l'homme est capable, l'altruisme dont il sait faire preuve, ses préoccupations morales et spirituelles. Vous avez raison, et puis il y a l'art.
Evidemment, vingt ou trente mille ans plus tard, il ne reste plus grand chose de nos prédécesseurs. Mais les grottes où ils s'abritaient ont perduré. Et les chefs-d'oeuvres pariétaux aussi.
Les spécialistes multiplient les conjectures sur le pourquoi des grottes ornées. Certains pensent que nos ancêtres ne faisaient pas la différence entre l'image et la réalité, d'autres parlent de magie, de cérémonies incantatoires. Il y a peut-être de cela - il suffit de songer à notre télé-réalité - mais quelle que soit la fonction de ces représentations, quels que soient les rituels de passage dont elles faisaient partie, il y a la beauté saisissante de ces peintures.
Des artistes oubliés, ont récolté des pigments, ocre, charbon de bois, ont façonné des pinceaux, et à la faible lueur des lampes à huile, perchés sur des échafaudages périlleux ils ont peint Altamira, Chauvet et Lascaux...
Bien sûr ce n'est pas du pastel. Mais on en est plus proche qu'avec une toile à l'acrylique. La démarche est la même : ébaucher les contours au charbon de bois ou au fusain, mettre en place les grandes masses colorées avec un pigment à peine lié, soigner les détails qui donnent le relief et la vie, et rehausser le tout pour l'éclairer.
Ces hommes ne vivaient pas dans ces cavernes profondes, ou alors à l'entrée. L'abri sous roche, lui, était largement occupé, parfois aménagé par quelques pierres
faisant fonction de muret; c'est là que l'on retrouve les restes de foyer, les reliefs de repas, les éclats et les rebuts du travail de la pierre. Plus tard, au temps de Lascaux et
d'Altamira, leur société est suffisamment complexe pour susciter l'existence de spécialistes et suppose un habitat plus élaboré. Réaliser, alors, les ensembles picturaux qui nous
occupent, montre bien qu'ils jouaient un rôle éminent, les cathédrales de l'époque en quelque sorte.
Couvrez-vous, nous allons les visiter.
* Sans oublier le rhinocéros à poils laineux...(ter sur l'air des lampions)